La loi sur le Burn Out : une vraie fausse idée ?

Source : blogs.lexpress.fr

Par Vincent Olivier

Voilà plusieurs jours que je me pose cette question, sans être sûr de la réponse: faut-il vraiment une loi sur le burn out, ce mal du travail, ce mal au travail relativement récent et qui pourrait toucherjusqu’à 3 millions de personnes en France?

La première réflexion qui vient à l’esprit est un « oui bien entendu ». Le député PS Benoit Hamon, et bien d’autres avant lui comme Jean-Claude Delgènes du cabinet Technologia ont pointé du doigt l’injustice profonde de l’absence de reconnaissance officielle de cette pathologie. Pas de reconnaissance, donc pas d’existence du phénomène, donc pas de possibilité de dédommagement.

J’ajouterais: pas de sanctions de l’employeur, pas d’incitation à revoir en profondeur le mode de management, donc de grandes « chances » pour que la situation se reproduise par effet de contagion, dans le même service ou dans un autre.

Pour autant, une loi réglerait-elle la situation? Je n’en suis pas convaincu. D’abord parce qu’elle suppose une définition plus ou moins précise du burn out. Or, le burn out n’est pas une maladie à proprement parler, mais un ensemble de manifestations certes irréfutables, mais hétérogènes et très « personne-dépendantes ».

Ainsi, l’une déclenchera un psoriasis géant quand l’autre fera un attaque cardiaque. Dans un cas il aura été précédé de manifestations précises, dans un autre il surviendra sans prévenir. Difficile dans ces conditions de résumer ce « fourre-tout » à travers des indicateurs pertinents et valables pour tous.

Mais surtout, le droit français est ainsi fait que tout ce qui n’est pas interdit est permis: la loi cadre, borde les choses autant qu’elle autorise par défaut. Définir le burn out précisément, c’est donc prendre un risque: celui d’offrir aux entreprises la possibilité de contourner la loi. En réfutant un des critères. Ou en affirmant – vrai ou faux peu importe! – que des événements extérieurs au monde du travail ont aussi joué un rôle. Concrètement, un deuil ou un divorce par exemple pourraient être exploités sur le thème : « Le burn out n’est pas directement imputable à l’entreprise… mais au salarié lui-même! »

Ne serait-il pas plus judicieux de commencer par appliquer les lois qui existent? Prenons le cas d’un salarié soumis à des horaires excessifs, week-end et soirs compris, à coup de mails ou de texto comminatoires. Un salarié qui subirait une pression constante, des demandes contradictoires, irréalisables ou tout simplement hors de son champ de compétence. Un salarié qui serait obligé, de fait, de travailler 55 heures par semaine pour effectuer les tâches exigées. Et je ne parle pas là uniquement des soignants, des policiers ou des travailleurs indépendants, souvent en première ligne.

Imaginons qu’il fasse un burn out. Le simple fait de produire des preuves (et elles existent!) que son employeur a outrepassé ses prérogatives suffirait, j’imagine, à mettre en cause l’entreprise. Et à la faire condamner. Cela ne résoudrait pas tout, et notamment pas le retour du salarié. Mais ce serait au moins un premier pas. Et un signal fort adressé à la société tout entière.